Va-t-il rester des artères commerciales encore vivants dans une couple d'années??
Les commerçants du boulevard St-Laurent appellent au secours
Un samedi après-midi, boulevard Saint-Laurent.
Photo Bernard Brault, La Presse
Violaine Ballivy
La Presse
Une nouvelle tuile menace l’administration Tremblay. Excédés, épuisés, frustrés, des commerçants du boulevard Saint-Laurent envisagent de déposer un recours collectif contre la Ville pour compenser les pertes encourues par les travaux de rénovation de l’artère commerciale entrepris il y aura bientôt un an.
Après les organisateurs de festivals – dont Gilbert Rozon – c’est donc au tour des commerçants de la «Main» de contester la gestion de la métropole.
Depuis vendredi soir, une pétition circule de commerce en commerce exigeant l’accélération des travaux sur le boulevard afin d’éviter d’éventuelles fermetures. «La Ville de Montréal (doit) prendre les moyens pour corriger une situation devenue insoutenable en raison du manque de coordination des travaux qui sont en train de nous mettre en faillite», peut-on lire sur le document. Si le nombre de signatures recueillies est suffisant, une demande de recours collectif pourrait ensuite être déposée contre la Ville, a confirmé hier à
La Presse Henrique Laranjo, propriétaire du resto-bar Chez Le Portugais.
Les commerçants en ont long à dire contre les débris qui jonchent le trottoir, le bruit des marteaux-piqueurs, la poussière, le manque de stationnement, et surtout, contre ces gros blocs de béton installés au milieu de la chaussée il y a trois semaines.
De la rue Sherbrooke à l’avenue Mont-Royal, on constate que les clients ont déserté.
«Bien sûr, après, ce sera plus beau. Mais est-ce qu’on sera encore là pour en profiter? demande M. Laranjo. Une boulangerie et un magasin de meubles ont déjà fermé. Le dépanneur d’en face a des problèmes. Tout le monde est en train de mourir.»
«Mon chiffre d’affaires a baissé de 50% et je dois piger dans mes économies pour tenir le coup», dit M. Laranjo.
Plusieurs commerçants réclament une réduction de leurs taxes en guise de compensation, tandis que d’autres affirment – sous le couvert de l’anonymat – avoir retardé leurs paiements «pour protester et parce qu’on n’a pas les moyens de payer».
«Le temps des mensonges est fini. Avant, on tentait de sauver la face entre nous, on se disait que la situation n’allait pas trop mal. Mais plus maintenant», observe Alix Souffrant, propriétaire de la boutique de vêtements ExAeco. Les marchands auraient profité d’une réunion, vendredi soir dernier, pour exprimer haut et fort un ras-le-bol généralisé. «On a l’impression que la Ville se fiche qu’on fasse faillite», dit M. Souffrant. Il a réduit ses heures d’ouverture et remercié une vendeuse. Le relevé de factures qui traîne sur son comptoir n’indique que deux transactions en date d’hier, pour un total d’à peine 90$. «Vous imaginez? Pour un vendredi, alors que la boutique a été ouverte de 11h à 21h?»
Richard Doucet, copropriétaire de la boutique Intense-if va encore plus loin. Il poursuivra la Ville dans les prochains jours, lui réclamant 12 500$ par mois en dommages et intérêts pour toute la durée du chantier.
Mise au courant de la pétition, et de la volonté de déposer un recours collectif, la Société de développement du boulevard Saint-Laurent a décidé d’appuyer ses membres. «Ils sont au bout du rouleau, fatigués psychologiquement et professionnellement. Les travaux durent depuis neuf mois et on comprend qu’ils ne sont pas prêts à en vivre cinq de plus de la même façon. (...) Ils ont le droit de demander une compensation à la Ville s’ils se sentent lésés», a indiqué hier la directrice-générale, Sandra Fénelon.
La Société se dissocie des démarches judiciaires, mais enverra cette semaine une lettre au bureau du maire Tremblay réclamant que la cadence des travaux soit augmentée.
Interrogé par
La Presse, le responsable de la voirie, des infrastructures et de la gestion de l’eau de Montréal, Sammy Forcillo, n’a pas commenté les possibles recours judiciaires. Il a toutefois indiqué que la Ville tentera d’accélérer les travaux qui accusent quatre semaines de retard. Le chantier restera actif pendant la période des vacances de la construction. «J’ai beaucoup de sympathie pour les commerçants», dit M. Forcillo, rappelant qu’une trêve de trois semaines leur a été accordée pour la tenue de la vente trottoir et des festivités entourant le Grand Prix de Formule 1. Il écarte toutefois la possibilité d’augmenter les effectifs déployés pour éviter des dépassements de coûts au budget, respecté à ce jour.